Epiderme minéral
Radiographie d’un imaginaire
Si la photographie saisit la surface, capturant le reflet de la peau, la radiologie a été conçue pour traverser l’enveloppe charnelle, cette frontière fragile entre extérieur et intérieur, visible et invisible.
Cette série propose une métaphore visuelle au processus créatif radiologique : s’affranchir de l’enveloppe cutanée pour accéder à l’intimité des organes du corps humain.
Elle incarne, à travers la matérialité du verre dichroïque, ce moment précis où l’on s’affranchit de la peau pour contempler les organes.
Véritable épiderme minéral, ce matériau aux reflets changeants introduit une distance sensorielle et optique entre le spectateur et le sujet. Il réintègre dans l’image numérique des propriétés de réflexion et de transparence, rendant à chaque corps sa place d’origine, intra-corporel.
À travers ces surfaces miroitantes, les sujets apparaissent plus ou moins facilement selon l’angle du regard et la lumière ambiante. Leur perception devient mouvante, fragmentée, presque insaisissable.
Au cœur de cette recherche, un organe revient : le cœur, symbole universel de la vie. L’artiste en propose une étude approfondie, issue d’une séquence spécifique d’IRM cardiaque permettant de visualiser les flux sanguins. Ce mouvement intérieur, invisible à l’œil nu, devient image.
En jouant entre figuration et abstraction, entre technologie et poésie, Cédric Foussier fait dialoguer trois modalités de représentation corporelle : radiologique, photographique, et par création computationnelle.
La série Conception (2022) en constitue le socle fondateur, réunissant trois images emblématiques : un cœur, une silhouette féminine, et un fœtus. Ces figures archétypales incarnent l’origine, la vie et le futur du vivant.
D’autres œuvres explorent cette tension entre corps et image : certaines, très figuratives, s’apparentent à des photographies plastiques ; d’autres plus abstraites, suivent une trajectoire propre, libérée des contraintes formelles.
En parallèle, une série photographique développe la notion de flux — qu’il soit lumineux ou liquide. Présentées elles aussi sous verre dichroïque, ces images minérales prolongent le dialogue entre les deux univers.
Radiologie et photographie résonnent ensemble sous un même concept : celui d’un épiderme minéral, peau translucide et frontière de l'image contemporaine.
Enfin, l’intelligence artificielle s’invite dans ce paysage visuel. Si elle excelle aujourd’hui dans la génération photographique, sa capacité à créer des images radiologiques reste limitée. L’unique œuvre IA de l’exposition représente une vision onirique d’Adam et Ève et interroge cette frontière entre interprétation et invention, entre mythe et machine.
Le parcours se conclut sur une image singulière : une capture photographique du « coeur de l’imagerie en plein rotation». Cette photographie dévoilant l’intérieur d’un scanner en mouvement est exposée sous verre dichroïque, représentation minérale de « l’enveloppe » de la machine.
Toutes les œuvres issues d’imagerie médicale ont été créées avec le consentement explicite des patients, dans un respect profond de leur intimité.