Epiderme minéral
Epiderme minéral —Radiographie d’un imaginaire, série plastique 2022 - 2024
Si la photographie saisit le reflet, la radiologie a été conçue pour traverser l’enveloppe charnelle, frontière fragile entre intérieur et extérieur, visible et invisible.
Cette série propose une métaphore visuelle du processus de création radiologique : s’affranchir de l’enveloppe cutanée pour accéder à l’intimité des organes du corps humain. Elle incarne, à travers la matérialité du verre dichroïque, ce moment précis où l’on s’affranchit de la peau pour contempler les organes.
Véritable épiderme minéral, ce matériau aux reflets changeants introduit une distance sensorielle entre le spectateur et le sujet. Il réintègre dans l’image numérique des propriétés de réflexion et de transparence, pour rendre aux images radiologiques leurs places anatomiques, intra-corporelles. À travers ces surfaces miroitantes, les sujets apparaissent plus ou moins facilement selon l’angle du regard et la lumière disponible. Tandis que leur perception devient mouvante, fragmentée, parfois insaisissable, vous pourrez entrevoir votre propre reflet et commencer si l’envie vous prend un certain dialogue avec les oeuvres.
Au centre de cette recherche, un organe domine : le cœur, symbole universel de la vie. Je vous en propose une illustration grâce à une séquence spécifique d’IRM cardiaque permettant de visualiser les flux sanguins. Ce mouvement intérieur si beau, invisible à l’œil nu, mais capté par l’IRM, devient image.
Entre figuration et abstraction, entre technologie et sensibilité, dialogue sous ce prisme minéral trois modalités de représentation corporelle : radiologique, photographique, et computationnelle.
.
La série Conception (2022) en constitue le socle fondateur. Elle réunit trois images symboliques : un cœur, une silhouette féminine, et un fœtus. Ces figures archétypales incarnent l’origine du vivant.
Les œuvres qui suivent prolongent cette tension entre corps et image. Ensemble, elles construisent une dialectique entre représentation et dissolution, entre la visibilité du corps et sa transfiguration en pure image.
Une série de 3 représentations numériques d'images scanographiques résolument figuratives, presque sculpturales joue avec les formes et la transparence du corps humain. Leurs présentations photographique illustrent une frontière cutanée presque effacée.
La série Untitled, provenant d’une IRM cardiaque 4D flow, s’ouvre à l’abstraction et profite d’une résonance plus immatérielle.
En parallèle, une série photographique développe la notion de flux qu'il soit fluide (aqueux) ou lumière (photon). Ces images minérales, présentées sous verre dichroïque, prolongent le dialogue entre l’imagerie médicale et la photographie.
L’intelligence artificielle s’invite dans ce paysage visuel. Si elle excelle aujourd’hui dans la génération photographique, sa capacité à créer des images radiologiques reste limitée. L’unique œuvre de l’exposition élaborée par IA représente une vision onirique d’Adam et Ève et interroge cette frontière entre interprétation et invention, entre mythe et machine.
Le parcours se conclut sur une image singulière : une capture photographique du « coeur de l’imagerie en plein rotation ». Cette photographie dévoilant l’intérieur d’un scanner en mouvement est exposée sous verre dichroïque, représentation minérale de « l’enveloppe » de la machine.
Radiologie et photographie résonnent ensemble sous le concept d’épiderme minéral, peau translucide et frontière de l’image contemporaine.
Emergence chromatique — X, série plastique, 2023 -2025
Dans l’univers noir et blanc de la radiologie, introduire de la couleur relevait d’une nécessité presque organique.
Le recours à un verre minéral — épiderme symbolique, surface de transition — permet de réintroduire la lumière comme vecteur de variation et de nuance.
Ces compositions, épurées, presque méditatives, s’éloignent volontairement de l’imagerie médicale à travers une approche plastique et vibrante.
Selon l’angle d’incidence et l’intensité lumineuse, émerge une variabilité chromatique infinie. Chaque œuvre devient ainsi une interaction vivante, où la couleur n’est jamais figée, mais en perpétuelle mutation.
Enfin l’oeuvre X propose une représentation graphique du gamète universel correspondant au chromosome X, présent dans tous les caryotypes humains. Minimaliste, elle s’éloigne des oeuvres classiques et vous fait découvrir le verre dichroïque dans sa forme la plus simple: nu.
Exposé à coté du triptyque conception créé en 2022, ce gamète insuffleur de vie boucle la boucle de mon parcours créatif.
Toutes les œuvres issues d’imagerie médicale ont été créées avec le consentement explicite des patients, dans un respect profond de leur intimité.
